J'aime l'ambiance de la BNF. Les quatre tours de la bibliothèque François Mitterrand exercent sur moi une irrépréssible attraction. Ces imposantes demoiselles aux larges bras ouverts semblent protéger jalousement l'écrin de verdure emprisonné en leur sein. Leurs hautes silhouettes de verre projètent leurs ombres sur les marches de bois tropical qui mènent à elles, le vent s'engouffre sur l'esplanade, vous glaçant le dos et les joues par temps froid, mais une fois parvenue à l'intérieur du socle supportant ces quatre géantes, une sensation de quiétude s'empare de moi, à chaque fois.

Ici, tout n'est que calme et pas feutrés. Le silence est de rigueur et une épaisse moquette couleur de rouille amortit nos pas, le long des couloirs vitrés. Dans les salles, les visages studieux sont penchés sur les milliers d'ouvrages conservés dans ce temple du livre, éclairés par la lumière tamisée des plafonniers et des veilleuses situées au-dessus de chaque pupitre.

Au bout de l'un des couloirs est situé l'espace librairie de la bibliothèque. C'est un petit espace mais j'aime y faire le tour des tables, noter quelques titres, m'attarder sur les catalogues d'exposition, et il arrive que je m'y laisse tenter. Ce fut le cas l'année dernière. J'étais alors revenue avec cet ouvrage de José Carlos SOMOZA, auteur espagnol qui m'était jusque là inconnu.

C'est l'illustration de couverture qui a tout d'abord attiré mon regard, même si je dois dire qu'à cet égard la plupart des ouvrages édités par Actes Sud me font cet effet. Néanmoins, cette fois, c'est différent. Car c'est une véritable noirceur qui émane de cette couverture. Cette étrange créature ailée (ou bien s'agit-il d'une cape?) dégage selon moi un sentiment sombre et inquiétant mêlé à une ambiance de mort... La quatrième de couverture, quant à elle, évoque un roman à la trame scientifique. Pour ma part, ces deux éléments ne pouvaient qu'attiser ma curiosité!

Le sujet : un groupe de scientifiques de différents pays et spécialistes dans différentes disciplines est réuni sur une île déserte dans le plus grand secret afin d'y effectuer des recherches en rapport avec la fameuse et controversée théorie des cordes. Cette théorie, appelée aussi "théorie du tout", appartient au champ de la physique théorique. Elle reposerait sur deux hypothèses revolutionnaires : l'univers serait composé, non pas de particules ponctuelles mais de cordes de temps vibrant à des fréquences différentes et il contiendrait plus de trois dimensions spatiales. Elle aurait en outre l'avantage de créer un pont entre les deux théories majeures actuelles : celle de la relativité générale et de la mécanique quantique. Ce groupe de scientifiques va alors faire une importante découverte qui va bouleverser leurs vies. Plusieurs années plus tard, cette découverte revient les hanter.

J'ai été littéralement happée par ce roman. Même si je n'ai jamais vraiment été douée en sciences, celles-ci m'ont toujours fascinée et j'ai particulièrement apprécié la façon dont l'auteur nous plonge dans cet univers complexe, nous expliquant des bribes de cette théorie ardue et peu connue des profanes (si vous lisez l'excellent recueil de nouvelles de Woody Allen dont je vous parlais ici, vous verrez qu'il y fait lui aussi allusion, bien que dans un tout autre contexte ;-). Loin de paraitre rébarbatifs, ces passages explicatifs m'ont au contraire littéralement passionnée!

Au cours du récit, l'auteur distille au fur et à mesure les révélations, tissant des liens entre les personnages, notamment à travers l'histoire de la belle physicienne espagnole, Elisa Robledo. L'angoisse nous saisit peu à peu jusqu'au dénouement final, seul point faible de ce roman à mon sens. J'ai trouvé l'explication de la fin particulièrement tirée par les cheveux et difficile à comprendre. Vraiment dommage car cela nuit à la crédibilité du dénouement...

Néanmoins, je vous recommande vivement cette lecture, enrichissante et troublante à la fois, où il est finalement surtout question des dangers que courent les scientifiques à vouloir jouer les apprentis sorciers...

Clochette avait, elle aussi, beaucoup aimé!

José Carlos SOMOZA, La Théorie des Cordes

Partager cet article