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Aventures littéraires et autres péripéties autour des livres
18 août 2010

Chantal BIRMAN - Au monde

Au_monde

Ces derniers temps, j’ai eu la chance de côtoyer une femme enceinte magnifique. Vous savez, une de ces femmes qui respire la maternité, qui porte fièrement devant elle un ventre rond et superbe, dont la grossesse ne semble lui apporter que sérénité et bonheur. Elle a bien voulu me faire partager quelques unes de ses réflexions sur le fait de devenir mère et sur l’enfantement. Mais ce qui a fait l’objet de nos discussions les plus riches, les plus intéressantes et les plus étonnantes selon moi, c’est la naissance, ce moment incroyable, magique et bouleversant par lequel l’enfant vient au monde. Et en discutant avec elle, j’ai ouvert les yeux sur un univers auquel je ne me suis encore jamais intéressée (et pour cause, je ne suis pas vraiment concernée pour le moment !) : la façon dont l’enfant vient au monde et sur ce que cela révèle, de notre société, du monde médical, de la conception de la naissance, des idées reçues, des craintes irrationnelles,… Je n’entrerai pas davantage dans un débat qui s’avèrerait long et dont par ailleurs, je ne maîtrise pas tout mais il vous suffit de savoir que de nos discussions, j’ai retenu plusieurs titres de livres dont celui dont je m’apprête à vous parler et qui s’intitule, si justement : « Au monde »…

« Au monde, ce qu’accoucher veut dire » est le récit d’une sage-femme, Chantal Birman, qui exerce son métier en région parisienne depuis plus de 35 ans. Et son métier, c’est justement l’un des plus anciens métiers qui soit : aider les femmes à donner la vie et les enfants à naître. Car c’est cela la naissance, la rencontre entre une femme et son enfant, celle de l’enfant avec le monde qui l’attend et l’accueille, parfois rudement mais souvent dans une explosion d’émotions confuses, déchirantes, balayant tout sur leur passage et difficiles à démêler, un mélange de joie immense et de peurs, de bonheur absolu et de panique, un abîme émotionnel. Et dans ce moment si crucial qui voit la naissance d’un enfant et d’une mère, la sage-femme est en première ligne. Accompagnatrice à la fois discrète et indispensable, présente et effacée, elle guide, rassure, surveille, soutient tout en ayant conscience que sa mission est fugace, son passage dans la vie des femmes, bref, mais que, pourtant, son rôle est capital.

Chantal Birman a appris son métier à une époque où les sages-femmes, ayant succédé aux religieuses dans l’exercice de cette fonction, portent encore le voile, où la contraception n’existe pas et où l’avortement est un délit. Au cours de sa carrière, elle a assisté à des bouleversements à la fois sociétaux et médicaux qui ont considérablement influé sur l’exercice de sa profession. Elle livre donc un témoignage précieux et riche, sur un métier mais aussi et surtout sur une société en constante évolution. Evolution des mœurs, de la Femme, des techniques médicales, de la conception de la naissance sont donc au cœur de son ouvrage plus encore que la naissance elle-même. Car l’action de mettre au monde est au confluent de tout cela. « Ce qu’accoucher veut dire », voilà la véritable clé de son récit. Accoucher, ce n’est pas seulement expulser le corps de son enfant pour lui donner vie. C’est lui accorder une place dans le couple, la famille et la société. C’est accepter de ne plus être seulement au service de soi-même mais de prendre la responsabilité d’un être neuf, de sa vie, de son avenir. Accoucher n’est pas un geste mécanique du corps, c’est plus que cela : une déchirure, une rencontre, un choc, un geste symbolique. C’est faire entrer l’enfant dans un ensemble de cercles où il devra trouver sa place.

Chantal Birman n’élude rien. Son métier est une passion dont elle parle sans complaisance ni idéalisme. Elle évoque les difficultés du monde médical et les manques de crédit. Exerçant elle-même dans le secteur public, elle est confrontée aux coupes budgétaires, aux suppressions de postes, aux manques de moyen. Elle dresse un tableau du monde hospitalier tout en nuances, évoquant les bons aspects tout comme les nombreuses difficultés qu’elle rencontre. Elle s’interroge et interroge son lecteur sur un pays qui compte deux fois moins de sages-femmes que la Grande-Bretagne pour une population sensiblement équivalente. Elle pose la question de la surmédicalisation de la naissance tout en reconnaissant tous les progrès effectués par la médecine pour limiter les risques liés à l’accouchement. Elle ne donne pas de vérités mais livre simplement sa vision, celle d’une sage-femme expérimentée qui aime son métier et qui aspire à l’exercer le mieux possible. A ce titre, c’est un témoignage fort qu’elle nous livre, un récit que j’ai dévoré car il nous concerne tous, qui que nous soyons, car « Au monde », c’est l’histoire des femmes, ces femmes qui, chaque jour et partout sur la planète, donnent la vie, quels qu’en soient les enjeux.

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Commentaires
I
@ Ananim : merci beaucoup, je note !<br /> <br /> @ Christelle : Félicitations ! C'est génial ! Je comprends que tu hésites à te plonger dans ce genre de lecture en ce moment. Mais c'est un beau livre qui permet de mieux comprendre le métier de sage-femme. Peut-être plus tard?<br /> <br /> @ Sandy : c'est énervant n'est-ce pas?! Pas certaine que la nature sera aussi sympa avec moi lorsque ce sera mon tour...<br /> <br /> @ Marc : Félicitations à toi et ton épouse ! C'est votre premier? Effectivement, le sujet vous concerne au premier plan! C'est une lecture trés enrichissante je trouve. Même s'il est facile pour moi de l'aborder avec recul, n'ayant pas fait l'expérience de la naissance et de la maternité.<br /> <br /> @ Hélène : Oh oh! Si tu te laissais tenter par un 3ème bébé à la lecture d'un livre, cela ne voudrait-il pas dire que l'envie est déjà là? Moi, j'dis ça...
H
Tu es très convaincante, je me laisserais bien tentée par cette lecture, ma seule peur est d'être aussi tentée du coup par un troisième bébé... C'est risqué...
M
... de plus le livre paraît bien intéressant. Je suis directement intéressé par le sujet, mon épouse étant enceinte de quatre mois.
S
Ha oui ces femmes enceintes épanouies... toutes mes amies ont été comme ça, à perdre leur kg à peine après avoir avoir accouché !<br /> Une belle lecture sur un sujet qui nous concerne toutes (et tous !)
C
C'est un beau billet que tu as écrit. Le sujet me touche et pour cause, je suis enceinte (de 2 mois environs), mais je ne sais pas si je le lirai, pas tout de suite en tout cas, je crains d'être un peu trop hypersensible en ce moment... mais je note en tout cas !
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