L'échappée belle - Anna GAVALDA
Il y a quelque chose de magique avec la plume d’Anna Gavalda, quelque chose qui vous emporte dès la première phrase, une sorte de souffle réaliste, un sentiment de déjà vu et d’inédit à la fois. Chaque fois je suis frappée par la justesse de ses mots. Anna Gavalda n’écrit pas, elle retranscrit des tranches de vie. Et, pour moi, là se trouve précisément la raison de son succès. En parcourant les premières lignes, je savais déjà que la mayonnaise prenait, que j’avais envie de continuer, que j’allais m’attacher à Garance, la narratrice et à son incroyable fratrie. Parce que ses mots sont les miens, concrets, pas tout à fait français parfois, pas compliqués, vrais quoi.
En même temps, ça déborde de sentiments et voilà pourquoi j’entame toujours un roman d’Anna Gavalda avec la boule au ventre. J’ai peur qu’elle me fasse du mal, que ses personnages, avec leur mal être, leurs peurs, leurs souffrances, ne résonnent trop profondément en moi. Car même si l’optimisme est souvent au rendez-vous, elle parvient toujours à mettre le doigt sur nos petits sentiments, la mesquinerie de l’existence, la petitesse des gens, la lâcheté, l’amour qui se délite, le quotidien qui détruit tout, la fatigue accumulée, les apparences bafouées. Et moi, ça me chatouille au creux du ventre, j’me dandine sur ma chaise, j’me mords les lèvres. Ses personnages, c’est tellement moi, mes copines, ma mère, mon père, mon voisin de palier que je sers les pouces qu’il ne leur arrive rien de terrible ou de triste, que la vie ne soit pas vache.
Mais l’échappée belle heureusement, c’est une parenthèse, une brève assertion hors du temps pour Garance, Lola, Simon et Vincent. Un reste d’enfance, une bulle d’insouciance qui, le temps d’un week-end, éclipse les rancœurs et les regrets de la vie d’adulte. En route pour le mariage d’une cousine, les quatre frères et sœurs se retrouvent, se ressoudent, oubliant ce qu’ils sont pour renouer avec ce qu’ils étaient, avec leurs codes d’enfants, pour dire « feuque » à leurs vies trop organisées… ou pas assez.
Et voilà qu’au final, je retrouve mes craintes. Car telle est la Gavalda qui, sous couvert de légèreté, révèle le malaise qui nous habite : qu’ai-je fait de ma vie ? Où sont passés mes rêves et mon insouciance d’enfant ? Pourquoi est-il si difficile d’aimer l’autre sans le faire souffrir ?
Et puis, j’aimerais que pour une fois, elle laisse la thématique du divorce aux oubliettes.