Un endroit où se cacher, Joyce Carol OATES
Comment surmonter le terrible accident dont elle est sortie gravement blessée et qui a tué sa maman ? Voilà à quoi se résume désormais la vie de Jenna. Etre adolescente et avoir la vie devant soi mais savoir que tout peut s’arrêter, changer, être bouleversé de façon aussi brutale. Avoir peur d’avancer par peur de tomber. Etre paralysée par l’angoisse et la culpabilité.
Comment regarder devant soi quand on n’a plus rien à quoi s’agripper ? Jenna n’a plus de maman. Elle n’a plus de père non plus. En tout cas, c’est comme ça qu’elle voit les choses Jenna. Car en réalité, elle a toujours un père, sauf qu’il n’est jamais là depuis qu’il les a quittés pour reconstruire un nouveau foyer loin d’ici avec une maison parfaite, une femme parfaite et un nouvel enfant parfait. Et puis, elle n’a pas besoin de lui pas vrai ?
Tout va mal dans cette nouvelle vie qui suit l’accident : son corps est à l’image de son coeur, fragile. Et puis à quoi ça sert tout ça ? Aller à l’école, être gentil avec son oncle et sa tante, jouer les grandes sœurs pour ses petits cousins ? De toute façon personne ne peut l’obliger. Elle aura au moins appris ça. Personne ne peut l’obliger à rien. C’est tout.
Avant elle avait des amis. Avant elle aimait les cours. Avant elle faisait partie du club de course à pied du lycée. Avant l’accident. Après… tout est cassé, sans saveur, sans intérêt. A quoi bon ? Après l’accident, tout est douloureux : marcher, rêver, s’intégrer. Après l’accident, Jenna n’a plus qu’un seul refuge. Pas la jolie chambre bien décorée préparée par sa tante Caroline, non. Son refuge, c’est le bleu. Ce bleu si doux où rien ne peut l’atteindre mais qui se fait si rare au fur et à mesure de sa guérison. Sa guérison ? Mais de quelles blessures parle-t-on au fond ?
C’est dur de s’adapter quand on a perdu sa maman, quitté sa ville et ses amis, quand on débarque dans un nouveau lycée, quand les cheveux qui repoussent sur son crâne rasé, plus fins que des cheveux de bébé, la dégoutent. Heureusement, il y Trina. Elle est cool. Elle n’a pas de limites. Et puis, il y a Crow…
Il faut s’appeler Joyce Carol Oates pour permettre à son lecteur plonger avec autant de facilité dans les pensées de cette ado naufragée. Qu’y a-t-il à espérer lorsqu’on vient de perdre tous ses repères ? Lorsqu’on a tout à construire et qu’il faut déjà se dégager des ruines ? Il y a de l’émotion et pourtant il n’y a pas de mélo car Jenna jette désormais un regard désabusé sur le monde qui l’entoure, un regard distant, renfrogné comme si à présent la vie lui importait peu. Et pourtant peut à peu, elle émerge. Mais lentement. Comme si l’adolescence n’était pas déjà en soi une étape difficile à franchir, il fallait qu’elle la franchisse en supportant le poids d’un deuil, d’une absence et d’une culpabilité immenses.
Voilà un thème admirablement bien traité par l’auteur, avec délicatesse et pudeur. Avec réalisme aussi tant le mal être de Jenna est palpable.
« Un très beau texte » pour Cathulu, « qui laisse le cœur à vif » pour Clarabel, « un roman saisissant » pour Marie, « un vrai choc » pour Aurore et « un beau livre de Joyce Carol Oates » pour Adalana.
D’ailleurs de l’avis de Claire, l’auteur est une des rares à « savoir créer des personnages si parfaitement qu’on ne les oublie plus jamais».
Ma lecture confirme leurs impressions. Bouleversant.
Pour des avis moins enthousiastes, allez donc voir ce qu’en disent Esmeraldae et Ed22.