Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Aventures littéraires et autres péripéties autour des livres
25 mars 2010

Les fleurs du printemps sont les rêves de l'hiver racontés, le matin, à la table des anges

2443144299_01debc8d14

Pour fêter le printemps, je vous livre un extrait d’un ouvrage et d’un auteur qui ont profondément marqué mon adolescence, comme une petite pastille de douceur et de beauté à savourer, un hymne à la nature et l’amour.

2443144217_744baa9810

René Barjavel, La faim du tigre, Folio, pp.11-12 :

« Jamais je ne m’habituerai au printemps. Année après année, il me surprend et m’émerveille. L’âge n’y peut rien, ni l’accumulation des doutes et des amertumes. Dès que le marronnier allume ses cierges et met ses oiseaux à chanter, mon cœur gonfle à l’image des bourgeons. Et me voilà de nouveau sûr que tout est juste et bien, que seule notre maladresse a provoqué l’hiver et que cette fois-ci nous ne laisserons pas fuir l’avril et le mai.

Le ciel est lavé, les nuages sont neufs, l’air ne contient plus de gaz de voitures, on ne tue nulle part l’agneau ni l’hirondelle, tout à l’heure le tilleul va fleurir et recevoir les abeilles, les roses vont éclater et cette nuit le rossignol chantera que le monde est une seule joie. Tout recommence avec des chances neuves et, cette fois, tout va réussir. J’ai un an de moins que l’an dernier. Non, pas un an, toute ma vie de moins. Je suis une source qui commence. C’est la grande illusion annuelle. Le règne végétal s’y laisse prendre en premier. D’un seul élan, des milliards d’arbres et de plantes resurgissent, poussent des tiges enthousiastes, déplient des feuilles parfaites qui n’ont pas de raison de ne pas être éternelles. Pourtant, dans l’autre moitié du monde, l’automne est déjà là et a jeté au sol de ces merveilles que l’hiver va pourrir.

Mais pour nous que le printemps aborde, l’automne est invraisemblable et l’hiver n’a pas plus de réalité que la mort. Le marronnier est blanc comme des communiantes, le pêcher est une flamme rose, le lilas une torche. Dans tous les jardins, les champs et les forêts, dans les immensités cultivées ou sauvages, sur chaque centimètre carré de terre non déserte, c’est le prodigieux déploiement de l’amour végétal silencieux et lent.

Chaque fleur est un sexe. Y avez-vous pensé quand vous respirez une rose ? Chaque fleur est même, le plus souvent, deux sexes, le mâle et la femelle, et sa vie brève est, dans un flamboiement de beauté, l’accomplissement de l’amour. Le pêcher rose se fait  l’amour par toutes ses fleurs, et chaque graminée en fait autant, et les champs de Beauce et de l’Ukraine plus loin que tous les horizons, sont d’immenses champs d’amour. Dans la moitié du monde, en quelques semaines, plantes et arbres libèrent des milliards de tonnes de pollen dont les graines microscopiques vont pour la plupart se perdre au vent. Quelques-uns, par la grâce du hasard, de la brise ou des insectes, atteindront un pistil dans son érection figée et iront féconder les ovules. Pour que la vie continue. »

Crédits photos : flickr

3368193765_49e4da24b9

Publicité
Commentaires
Aventures littéraires et autres péripéties autour des livres
Publicité
Publicité